Triptyque

Les Veilleuses - Lettres-Parfums

composé et écrit par Clémentine Humeau

Trois lettres, trois parfums. Trois expériences-limites de l’être et du corps.
Confrontées à la mort autant qu’aux souffles de la vie, trois femmes rencontrent d’étranges manifestations odorantes : Une perte. Une mue. Une ascension.

Dans ce triptyque sensoriel et littéraire, chaque récit s’ouvre comme une capsule de mémoire, de silence et de peau. Chaque lettre est l’écho d’un parfum. Chaque parfum cristallise le souffle d’un texte. Clémentine Humeau, nez et écrivaine, s’est inspirée de recettes de fragrances allant de l’Égypte antique, au Moyen Âge, jusqu’au Japon de la Deuxième Guerre mondiale.

“Ses manifestations odorantes ne maîtrisent pas leurs pouvoirs. Elles ne contrôlent ni le lieu où elles se répandent, ni celui ou celle qui s’en empare. Souvent, s’en saisit une histoire, une main, que l’on ne soupçonnait pas.” 

Ce triptyque, premier d’une série, est né d’un désir profond : celui de faire dialoguer la littérature et le parfum, non comme des arts juxtaposés, mais comme deux formes d’expression intimement liées, capables de raconter ensemble ce qui échappe aux mots seuls, ou aux seules odeurs. Ce projet s’articule autour de trois lettres, écrites à la première personne, chacune émanant d’un personnage en quête de passage – entre la vie et la mort, entre le passé et le présent, entre la mémoire et la résilience. Chaque lettre donne également lieu à la création d’un parfum original, conçu comme une traduction sensorielle de l’histoire qu’elle raconte. À rebours de l’illustration ou de la simple inspiration, le parfum devient ici un prolongement narratif, une voix invisible qui infuse le récit, l’incarne, le murmure au creux de la peau. Le choix de la forme épistolaire s’est imposé naturellement à l’autrice : elle permet une adresse directe, intime, charnelle. Elle rend le souffle visible. Dans chaque lettre, un je s’adresse à un tu, dans une tension fragile entre dévoilement et silence. C’est cette tension que les parfums viennent incarner, chacun portant les traces d’une mémoire enfouie, d’une histoire oubliée, d’un amour survivant. Il ne s’agit pas d’un roman parfumé, ni d’un livre accompagné de fragrances, mais d’un véritable triptyque sensoriel et littéraire, où texte et parfum naissent d’un même noyau, nourris par une recherche historique et une émotion authentique. 

Une forme inédite : le triptyque épistolaire-parfumé

À l’instar des retables anciens, ce triptyque se présente en trois volets complémentaires mais autonomes. 

Chaque pièce – E.M.I., K.A.M.I., M.O.M.I. – est une lettre fictive, adressée à un destinataire réel ou symbolique, qui devient le point d’ancrage d’une histoire intime.

L’ensemble forme un objet littéraire composite, à la fois fragmentaire et organique.

Trois récits, trois contextes, trois voix.

Chaque lettre explore un temps fort de l’histoire humaine :

  • E.M.I.

    Interroge l’expérience de mort imminente et l’odeur de sainteté à travers une jeune femme hospitalisée, suspendue entre la vie et la mort.

  • K.A.M.I.

    Depuis le Japon traumatisé par la Seconde Guerre mondiale, fait entendre la voix d’une mère de kamikaze.

  • M.O.M.I.

    À mi-chemin entre l’Égypte antique et du monde contemporain, reliearchéologie, maternité et abandon.

Ces récits, construits entre deux temporalités et portés par des voix féminines, explorent la transmission, la perte, la mémoire – à travers le prisme du parfum.

Une création olfactive au coeur du dispositif narratif.

Chaque lettre a donné lieu à un parfum original, composé à partir d’une formule historique ou symbolique, mais interprétée de manière contemporaine. Ces parfums ne se contentent pas d’accompagner le texte : ils racontent une histoire, en condensent l’émotion, la ressuscitent au contact de la peau.

Ce projet s’inscrit dans une réflexion sur les formes d’art immersives et multisensorielles.

En mêlant mémoire olfactive et narration intime, il invite à une expérience complète, à la fois esthétique et émotionnelle. Il nous pose la question suivante : et si le parfum était une archive invisible ? Une voix du passé ? Un récit à fleur de peau ?

Ce n’est pas un livre, ni un coffret parfumé. C’est une oeuvre vivante, poreuse, hybride, qui propose de sentir ce que l’on lit, et de lire ce que l’on sent. Un acte de mémoire à respirer, que nous souhaitons proposer à la vente dans des librairies comme dans des parfumeries.

Contenu réductible

1. E.M.I. – Une odeur de résurrection

Contexte historique : Inspirée des expériences de mort imminente (EMI), cette lettre évoque la transition entre la vie et la mort. Elle fait également écho au concept médiéval d’“odeur de sainteté”, propre aux myroblytes (saints dont le corps exhale un parfum après la mort).

Histoire & narration : Mirabelle, jeune femme de 20 ans, raconte à Raphaël – un jeune médecin stagiaire – sa noyade accidentelle et son retour à la vie, guidée par un parfum émanant mystérieusement de son propre corps au moment où elle flotte entre les mondes.

La lettre mêle les sensations viscérales de la mort à une renaissance sensorielle.

Parfum : Le parfum E.M.I. s’inspire des descriptions mystiques de “l’odeur de sainteté” : un accord floral, céleste, à la fois fugace et rayonnant. Il incarne une expérience de seuil, entre effroi et extase.

2. K.A.M.I. – Le parfum de l’Essentiel

Contexte historique : Basée sur l’histoire réelle des kamikazes japonais, et notamment celle de Tadamasa Itatsu, kamikaze survivant rongé par la culpabilité. Le texte s’appuie aussi sur des lettres d’adieu authentiques écrites par des pilotes avant leur mission.

Histoire & narration : Une mère s’adresse à son fils kamikaze disparu lors de la Seconde Guerre mondiale. Le récit explore le deuil, l’attente, puis le bouleversement final de la nouvelle selon laquelle son fils a finalement survécu. L’Essentiel, parfum qu’elle lui avait préparé pour son dernier vol, devient alors un lien d’amour inconditionnel, convoquant la mémoire, la honte et la possibilité d’une rédemption.

Parfum : Le parfum K.A.M.I. s’inspire d’une formule millénaire attribuée au Prince Kurobo : musc, safran, santal, clou de girofle, coquillage broyé… Il évoque le rituel, le passage, et la part sacrificielle du parfum, pensé comme viatique de l’âme.

3. M.O.M.I. – La main de la déesse

Contexte historique : Ancrée dans l’Égypte ancienne, cette lettre rend hommage à Peseshet, première femme médecin de l’histoire (vers 2500 av. J.-C.), dont la stèle a été retrouvée à Gizeh. La narration prend place dans un laboratoire parisien contemporain.

Histoire & narration : Nathalie, archéologue née sous X, reçoit pour analyse une main momifiée supposée être celle de Peseshet. En travaillant sur cette relique, elle perçoit une émanation olfactive mystérieuse qui bouleverse son rapport à la maternité, à la filiation et à sa propre origine. La main devient un double de la sienne, dans un geste de réparation intérieure.

Parfum : M.O.M.I. s’inspire du parfum sacré des pharaons, le kyphi, encens médicinal et mystique, associé aux rites de passage et à la sexualité post-mortem. À cela s’ajoutent des notes de céréales, d’herbes de fertilité et de vanille amniotique – créant un accord viscéral, matriciel, profondément féminin.

Ces trois lettres forment un triptyque sensoriel et littéraire sur les liens entre parfum, mémoire et passage (mort/vie, absence/présence, origine/reconstruction). Chacune met en lumière une histoire invisible portée par une fragrance – preuve que le parfum, comme l’écriture, peut devenir viatique, archive et acte de renaissance.