À propos

Clémentine Humeau
Je suis créatrice de parfums, écrivaine, conférencière et formatrice.
Membre fondatrice de l’association Les Olfactines et de l’association Nez-en-Herbe.
Passionnée par les liens entre langage, sensation et mémoire, j’explore depuis plusieurs années les potentialités narratives du parfum.
Je crée des parfums aussi bien pour mes propres projets, alliant littérature et fragrance, que pour les marques, les créateurs, les professionnels du parfum, les musées et les artistes.
Je suis une créatrice « d’empreintes ». En m’immergeant dans le monde qui vous façonne, j’incarne, par le sens olfactif, votre essence même pour en extraire in fine, sa quintessence.
Musicienne, nez, écrivaine : mon parcours synesthésique
Venant d’une famille d’artistes peintres, sculpteurs, musiciens, j’ai toujours été attirée par les charmes qui sont au-delà de la vue. Ils forment mon univers d’interstices, un monde « d’entre deux », étrange et mystérieux.
Je m’obstine à questionner ce qui m’émeut.
Tout d’abord, les sons, les timbres des instruments, leurs textures, leurs voix, leurs plis.
Pendant 20 ans, je suis musicienne baroque professionnelle. Est-ce moi qui choisis le hautbois ou bien lui que me choisit ?
Je me produis et enregistre des disques avec les plus grands orchestres baroques européens.
Jean Sébastien Bach n’est pas mort. Il bat dans mon coeur. Je le transpire.
Le son du hautbois peut avoir le goût âpre du poivre, l’odeur veloutée d’une peau de pêche. Il est matière. Il touche à fleur.
Puis l’obstination revient à la charge. La vie est courte, je le sais. Urgence.
Après avoir éduqué mes oreilles pendant près de 30 ans, je veux pouvoir entendre avec mon nez. Je voudrais comprendre ce qui m’émeut tant au creux de cet invisible olfactif. Les odeurs, comme les sons, ont toujours agrippé ma mémoire. Je décèle une certaine osmothèque interne que j’ai construite depuis ma plus jeune enfance en Provence. Je troque alors mon hautbois avec mon orgue de parfumeur. Solfège olfactif, gammes, accords… je recommence avec mon nez ? Non. En fait, je continue d’écouter, mais avec un autre organe. Étude à Paris, Grasse. Je m’ouvre un horizon en passant de l’interprétation musicale à la création olfactive pure.
Je crée dans l’ombre, pour les marques de parfumerie indépendantes (Pentalogie, Parfumeur du
Monde, Elaio, Dilli House…), pour les artistes, les théâtres, les institutions muséales.
Et puis, je m’autorise. À sortir de l’ombre. À libérer mes tripes dans mes projets personnels. Parfum. Littérature. Incarnation.
Corps tendu vers la page blanche, je crée.
Les odeurs sont silencieuses. Taiseuses. Et pourtant, en ayant rencontré beaucoup de taiseux, je sais la force particulière qu’ils vont donner à chaque mot. Le pouvoir de l’intime me gifle. Le silence des odeurs est comme une négociation interne. Prolixe.
J’aime imaginer quel texte intérieur les anime et quel texte extérieur elles pourraient offrir au public. Il ne faut pas croire que la rhétorique intérieure des odeurs est faible. Au contraire, elle est très puissante. Les mots sont alors les enfants de ces silences odorants. Primordial pour moi, ils incarnent l’invisible des parfums.
Alors quand je compose un parfum, j’écris une histoire. Son histoire. Les mots et le parfum s’accouplent. Ils ont besoin de l’un et de l’autre pour faire corps et chair. Un double souffle se crée à l’intérieur de la même poche des eaux. Un sens. Une matière.
Sentir, formuler un parfum, en silence, est un temps flou où justement les mots peuvent se dessiner.
Ses temps flou, en suspens, sont des moments où se crée des brèches. Le sillage apparaît peu à peu. Joie.
Équilibriste, je suis funambule dans ces temps flous.
N’existe que l’air, la peau et les mots.
Pour que la vibration soit optimale, ne manquait plus que la voix, le théâtre sensoriel. Je développe des lectures olfactives. J’y propose « d’écouter les parfums ». C’est à la fois une invitation à la
sensorialité pure de la lecture et une expérience d’éveil olfactif au coeur des mystères odorants qui nous lient.
Pendant que mes textes sont lus, le public sent des odeurs sur des veilleuses de céramiques olfactives. Les parfums ne sont plus des apparats mais un manifeste.
D’ailleurs, porte t-on véritablement un parfum ? Ou bien est-ce lui qui nous porte ?
Vers où ?
« Un jour nous comprendrons que la poésie n’était pas un genre littéraire mal vieilli mais une affaire vitale, la dernière chance de respirer dans le bloc du réel. »
Christian Bobin